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Bruxelles: des perles au pays des bulles 

Reportage

 

Qui n'a jamais rêvé un jour de déchiffrer une immense carte aux trésors ? Bien que son nom soit souvent associé aux institutions européennes, Bruxelles est avant tout un lieu où vibre la culture. Avec 19 communes réparties sur un peu plus de 160 kilomètres carrés, c'est une ville étendue dont l'urbanisme et l’architecture ont été marqués par l'éclectisme, entre classicisme et nouveauté. Chaque mur, chaque bâtiment regorge de mystères à déchiffrer. Départ imminent pour ce labyrinthe urbain, fruit de plusieurs siècles d'inspirations multiples.

 

21 heures : Le train Thalys entre en gare de Bruxelles-Midi. Le flot de passagers engourdis par le sommeil descend du train et se dirige vers la sortie, ou vers le métro le plus proche. La distance qui sépare le quai Grandes Lignes du métropolitain est étonnamment moins grande qu'à Paris, et chacun se rue dans les wagons jaunes en espérant trouver une place assise. Ã€ la sortie de la station Gare de l'Ouest, rien de bien engageant : un immeuble à demi-détruit et semblant abandonné, quelques néons signalant les rares établissements de restauration rapide encore ouverts, et des maisons aux murs de briques ternies, typiques de l'architecture du nord de l'Europe. Si un magot merveilleux existe ici, il semble bien enfoui. Mais quelques mètres plus loin, la surprise est grande de trouver, derrière une haute grille de fer oxydée par l'humidité, une petite cour avec pelouse bordée de cailloux, le long de laquelle s'élève un immeuble ultra-moderne. Les balcons ouverts sur l'extérieur sont du style feng-shui, hamacs d'osier et ficus à l'appui. Si toute la beauté de cette ville est ainsi jalousement cachée derrière des murs austères, une belle chasse aux trésors s'annonce.

 

Samedi matin : le jour se lève sur la capitale Belge. Les rues sentent le café chaud, le temps est doux pour un mois de février. Il est plus facile dans cette clarté de distinguer l'architecture bruxelloise, tout en se dirigeant vers la Grand-Place, centre historique de la ville. Depuis 1993, un parcours de bande dessinée a été peint sur certains immeubles, en hommage aux dessinateurs qui ont concouru à sa réputation : Quicke et Flupke, Thorgal, et bien d'autres, s'illustrent donc directement sur les murs. La façade du Centre national de la BD est elle aussi prise d'assaut par Tintin et Milou escaladant cet édifice Art nouveau, conçu par Victor Horta en 1906. Les premières pierres précieuses de la ville se dévoilent peu à peu, grâce à ces personnages qui semblent indiquer le chemin à prendre.

 

Sur les chemins de l'Histoire...

 

L'histoire de l'architecture bruxelloise est composite, en partie du fait d'un passé mouvementé. Celle-ci peut être divisée en deux périodes, correspondant aux règnes de Léopold I (1830-1865) et de Léopold II (1865-1909). À la fin du XIXe siècle, les orientations esthétiques sont donc diverses, dues à l'expansion démographique de la ville, qui double littéralement sa superficie entre 1830 et 1913. De nombreux styles participent alors de l'éclectisme : style néoroman, néo-Tudor, néo-Renaissance, néogothique, mauresque, Art nouveau... La Grand-Place, par exemple, est d'un style tout à fait différent de ses alentours : répertoriée au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1998, elle est victime d'un bombardement français en 1695 et reconstruite dans un style flamand italo-espagnol. Les façades sont de style gothique avec excès d'ornements et de sculptures, et n'ont rien à voir avec la modernité et l'asymétrie du style Art nouveau des rues parallèles. Un véritable dédale pour le néophyte. Pour les locaux en revanche, rien d'anormal : il est alors facile de les distinguer dans la masse grouillante de touristes qui flânent nez au vent, visiblement surpris par ce drôle de jeu de piste. Malheureusement, d'autres quartiers perdent vite la partie ; certains sont à l'abandon et laissent pantois de désolation. Les guides touristiques décrivent l'architecture du quartier des Marolles comme « simple et authentique ». En réalité, ce serait plutôt « désertique et délabrée ». Pierre, Belge pur jus de passage dans la capitale, grommelle : « Je ne comprendrai jamais l'architecture bruxelloise. On voit des lieux magnifiques comme la Grand-Place, des quartiers avec des buildings et d'autres... très délabrés. Je trouve cela triste de laisser à l'abandon la moitié de la ville sous prétexte qu'elle n'est ni touristique, ni Européenne ». En effet, avec l'arrivée de bâtiments dédiés aux institutions de l'Union, une grande partie du patrimoine urbain a été détruit, ce qui, selon les habitants, est un désastre.

 

En revanche, sur la place du Grand-Sablon, l'atmosphère est majestueuse. L'ensemble rassemble des hôtels particuliers construits entre le XVIe et le XIXe siècle et abrite pâtissiers, chocolatiers, civettes et autres richesses. Il y en a pour tous les goûts. Rien à voir avec le quartier Saint-Géry, coin festif par excellence : les Halles, grand édifice en briques rouges, fait résonner sa musique jusqu'aux rues alentour. La différence est frappante entre la façade extérieure de style néo-Renaissance dessinée par l'architecte Adolphe Vanderrhegen, et... l'ossature métallique soutenant l'intérieur. Il est 17h00, et déjà les premiers employés sortant du travail affluent pour y boire une bière, « seule production belge de qualité » lance avec humour Raphaël, Parisien expatrié dans la capitale.

 

À l'image d'un coffret de perles irrégulières, c'est finalement la mixité qui fait la beauté de ce grand mélange. Le Mannekein-Pis au sourire mystérieux, urinant avec bienveillance sur la ville, serait peut-être finalement le seul détenteur de la clé de cette chasse au trésor...

 

Par Manon Griboux

le 3 avril 2014

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