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Comme si on y était

Critique

 

Downton Abbey est ce genre de série qui vous attrape et ne vous lâche plus. Le XXe siècle devient votre époque, l'Angleterre devient votre nation et les Crawley votre famille. Portrait pertinent d'un pays écartelé entre modernité et tradition. Donwton Abbey a réuni 9 millions de téléspectateurs dès la première saison. Et ça ne fait que commencer.

 

Début du XXe siècle, 1912. Patrick Crawley et son père montent à bord du Titanic et n'en descendront jamais. Campagne anglaise, Downton. La famille aristocrate des Crawley, en apprenant la nouvelle, sombre dans le chaos. Les deux voyageurs disparus étaient les successeurs directs de Robert Crawley, Comte de Gratham. Cet événement met ainsi en péril l'héritage. Car au début du XXe siècle, les femmes ne pouvaient pas obtenir le titre du domaine et l'héritage du domaine lui même. Il était bien sûr possible de casser la succession mais le père du Comte actuel avait fait en sorte que les deux soient indissociables. Le comte et la comtesse, ayant eu seulement des filles, sont obligés de faire appel Ã  un avocat pour savoir de quoi il retourne. Et il s'avère que le prochain et unique successeur possible est Matthew Crawley, un cousin lointain, avocat bourgeois de Manchester.

 

Dire oui à la modernité

 

Ainsi commence la série britannique Downton Abbey. Les relations entre domestiques et maîtres, les droits de la femme, les progrès de la médecine, l’électricité..., le début du XXe siècle en Angleterre est une ère de changement. Et ce sont ces évolutions que Downton Abbey met en scène. Chaque personnage incarne un aspect du renouveau que le pays connaît. Daisy, par exemple, est une jeune fille niaise et peu vivace, et aide en cuisine. Seulement, elle doit aussi s'occuper des feux de cheminées dans les différents appartements et elle ne veut pas céder à la tentation de l’électricité, Â« Le diable », l'appelle t-elle. Cette nouveauté l'impressionne et elle préfère mettre les mains dans la suie et récurer les cheminées pendant des heures plutôt que d'accepter le changement. Car, tout le problème est là: comment faire le premier pas vers la modernité ? En embrassant le changement, que certains personnages adoptent, comme Isobel Crawley, la mère du nouvel héritier, qui fait partie du comité de l'hôpital de Donwton. Elle porte le progrès médical sur ses épaules frêles et assume des idées qui font peur mais qui font leur preuves. Elle introduit de nouveaux remèdes et de nouvelles opérations. Mais elle a des opposants, certains personnages se complaisent dans leur routine. D'autres vivent pour l’adrénaline et la nouveauté. Comme la cadette des filles Crawley, Lady Sybil, au grand dam du comte. Elle est la figure de la féministe anglaise du XXe siècle. Elle arrive au dîner en pantalon et provoque l'offuscation générale. Elle manigance pour se rendre aux réunions des socialistes qui soutiennent le projet de loi pour autoriser le droit de vote aux femmes, et tout cela en cachette.

 

Des rouages bien huilés

 

Le XX siècle représente l'évolution de la place de la femme dans la société, et Downton Abbey en fait l'un des fils conducteurs de son intrigue. Tout comme les relations entre domestiques et maîtres. Les allers et venues sont fluides, les repas sont servis à midi tapantes, la poussière n'existe pas et les domestiques ont renoncé à toute vie personnelle et romantique pour conserver leur place. Car au XXe siècle, travailler dans une maison aussi prestigieuse que celle des Crawley était considéré comme une réussite professionnelle. Mais, justement, cette série montre qu'il y a des conflits, des remises en questions, des regrets, des « et si... », sentiments qui pimentent leur vie qui, sinon, pourrait paraître bien monotone. Mais le spectateur est plongé dans cet environnement comme si c'était le sien. Il est Thomas, le valet gay, Daisy, amoureuse en secret, ou Anna, ambitieuse au caractère effacé.

 

Une vision édulcorée de la société anglaise du XXe siècle ?

 

Si les personnages ne vivent pas sur un nuage durant les quatre saisons, les domestiques comme les maîtres mènent une vie tout de même assez confortable. Il peut être étonnant de voir qu'une entente presque amicale règne entre les servants et les aristocrates. Jusqu’à se demander si ce n'est pas quelque peu enjolivé. Il faut dire qu'il est plus agréable de passer sa journée à lire dans la bibliothèque que de se lever à 5 heures du matin pour préparer une charlotte aux fraises comme le font les domestiques. Les maîtres ont le beau rôle. De même, cette série a fait jaser dans le sens où elle dépeint de façon positive les inégalités sociales qu'il y avait à l'époque entre les bourgeois et les aristocrates, et entre maîtres et servants. Toute la société reposait sur un ordre immuable que personne ne pouvait chambouler : les riches donnent du travail aux pauvres et les plaintes et l'ambition ne sont pas acceptées. Représenter une réalité inconnue de la génération actuelle peut être délicat. En revanche, Julian Fellowes , la réalisatrice, a fait en sorte que sa série respecte trois principes qu'on associe plus souvent à la littérature qu'à la réalisation : plaire et instruire.

 

Downton Abbey, Julian Fellowes, 1ère diffusion : 26 septembre 2010

 

Par Clémence Germain

le 19 avril 2014

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