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Entre drogue et passion

 

 

Hicham A., 30 ans, professeur de religion, expose son expérience dans le monde des jeux vidéos dans lequel il a passé son enfance, son adolescence et sa vie d'adulte.

 

Depuis combien de temps jouez-vous aux jeux vidéos?

 

Cela fait 25 ans, j'ai commencé à l'âge de 5 ans.

 

Quel est votre premier souvenir de jeux vidéos?

 

Mon premier jeu se nomme The galactic plague que j'appelais Galactic qui consistait à "détruire les vaisseaux en face du moi". Mon deuxième jeu : Roland the ropes.

 

Comment avez-vous été amené à pratiquer cette passion?

 

A cet âge, ce n'était pas encore une passion, c'est un jeu, un passe-temps. Entre 12 et 16 ans, c'était devenu un échappatoire du fait des harcèlements à l'école. Cela constituait une réalité alternative, c'était une véritable drogue. De 16 à 20 ans, le jeu vidéo est une dose de morphine, un soulagement artificiel à un mal-être social.De 20 à 30 ans, c'est devenu une véritable passion, je suis beaucoup plus dans l'analyse et des réflexions quant à l'évolution du jeu vidéo qui a connu une évolution remarquable. Du simple passe-temps, le jeu vidéo aborde aujourd'hui des questions existentielles autour de thèmes nouveaux comme la mort, l'amitié, l'amour. Je regarde beaucoup plus des documentaires sur le jeu vidéo.

 

Vous parlez de morphine, c'était donc devenu une addiction?

 

Rétrospectivement, je me dis que c'était devenu une addiction particulièrement entre 12 et 20 ans car le jeu vidéo prenait le pas sur l'essentiel comme prendre un après-midi avec sa famille.

 

Est-ce que vos parents se sont rendus compte de ta souffrance?

 

En fait, je n'avais pas de bons résultats à l'école, ils me disaient de travailler plus et d'arrêter de jouer autant. Ils n'ont pas compris que c'était l'expression d'un malaise. J'ai regardé une fois à la télévision un jeune qui s'enfermait dans le jeu. La mère était démunie face à son fils et elle a fait exactement ce qu'il ne fallait pas faire: elle l'a rabaissé en le secouant de la mauvaise manière puis elle le menaça puis elle lui a pris son ordinateur. Comme il n'a pas sa drogue, le fils qui ressent une pression supplémentaire fait une crise. Mes parents ne sont pas rentrés dans le conflit mais ils n'ont pas cherche à savoir ce qui n'allait pas.

 

Quels sont les conseils qu'il faut donner à un enfant drogué de jeux vidéos?

 

Surtout, il ne faut pas le rabaisser. Comprendre avec lui ce que le jeu vidéo apporte et quelle réalité il cherche à fuir. Cela dépend des personnes, mais si c'est un appel à l'aide, l'enfant sera réceptif.

 

Comment cette prise de conscience par rapport à l'aspect addictif du jeu vidéo est arrivée?

 

Cette prise de conscience est venu progressivement après une période charnière de mon existence. En 2008, j'ai changé de carrière, de pays, j'ai fait une dépression de 4 mois. Pendant cette période, je jouait à un jeu de stratégie où je n'éprouvait aucun plaisir à jouer mais je ne pouvais pas m'empêcher de jouer: soit je jouais, soit je dormais. Après cette période, j'ai pris conscience de l'addiction qui s'était opérée.

 

Le jeu vidéo peut devenir une thérapie?

 

Le jeu vidéo peut être une démarche de réflexion. Il y a par exemple un jeu, Cat Lady, où le personnage est une femme dépressive et ce n'est qu'à la fin du jeu que l'on sait pourquoi elle est dépressive: son bébé est mort à cause des fleurs qu'elle a mis dans la chambre du bébé. (le bébé s'étouffe pendant les parents se disputaient) Pendant les délires de la femme, nous devons résoudre des énigmes. Le jeu vidéo est en noir et blanc sauf le sang qui est rouge. La fin du jeu est toujours positive; je me suis posé la question de cette fin à travers des recherches dans les forums. Le concepteur voulait envoyer un message positif aux joueurs et dire que l'on peut se sortir de la dépression. Cet aspect est particulièrement intéressant car il y a une intention derrière la conception du jeu, une réflexion sur l'impact du jeu sur le joueur. C'est un art.

 

Le jeu est donc devenu un art, peut-être une thérapie?

 

Le but du jeu vidéo est de passer des émotions alors que de nos jours, il y a une névrose du questionnement de causalité. Les jeux de rôle peuvent constituer une sorte de thérapie car il faut faire des choix. Une fois, j'ai voulu faire le méchant mais finalement ça a donné un personnage schizophrène : ma personnalité a déteint sur le personnage et vice-versa. Cela m'a permis de faire des choix plus pragmatiques dans mon existence. On se lie d'amitiés avec le personnage et quelque fois on peut être confronter à des choix délicats comme sauver un peuple et tuer le personnage principale auquel on s'est attaché... Dans d'autres types de jeux, on retrouve cet aspect-là : il y a eu une manifestation au Japon pour ne pas faire mourir une femme amoureuse du personnage principal...

 

Avez-vous un petit mot pour la fin ?

 

En ce qui concerne les enfants, il faut être vigilant quant à l'addiction et avoir une distance critique par rapport aux enfants et s'interroger quant aux malaises qui se cachent derrière cela. Quant à ma passion du jeu vidéo, pour ceux qui ne s'y intéressent pas, il faut savoir qu'il y a des jeux pour tout le monde et pour tous les goûts: des jeux violents, tristes, attendrissants, de réflexions etc.

 

Par Zouina Hellal

le 15 mai 2014

Interview

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