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La photo qui parle

Chronique

 

« Dites cheeeese ! ». Le verbe « dire », dans cette injonction, est tout sauf anodin : toutes les photos ont quelque chose à raconter, en particulier lorsque celles-ci illustrent les grandes figures de notre temps. Et le portrait de François Hollande par Raymond Depardon ne déroge pas à la règle : outil précieux de la rhétorique présidentielle, c'est une photo qui a la lourde responsabilité de tout dire... Mais il est aussi intéressant de déchiffrer ce qu'elle ne dit pas.

 

À l'aise, en mouvement, un sourire au lèvres, François Hollande incarne sur cette image la confiance en l'avenir. Pas étonnant, puisque « le changement, c'est maintenant », et il faut que ça se voit. Les jardins de l’Élysée, le cadre parfait : tout est calculé. Les taches de soleil dans l'ombre des arbustes sont une timide lueur d'espoir, qui devient en arrière-plan grande étendue lumineuse, signe de lendemain qui chantent. Une jambe en avant, François Hollande entame donc une marche dynamique vers ce qu'il souhaite être le progrès.

 

Malgré tout, un détail dérange. La photo est carrée, format qui « fait amateur » selon la sémiologue Elodie Mielczareck. Le président est tassé, semble tout petit et englouti par cette mer d'ombre qui l'entoure. Un signe annonciateur des crises à venir ? Peut-être, surtout au regard de sa posture : il est chancelant, ses pieds sont invisibles, ce qui est assez inquiétant pour un président censé savoir où il va. Ses mains sont crispées, il semble marcher sur des œufs, et être finalement assez apeuré par l'étendue qui l'entoure.

 

Au-delà d'une photographie qui dit le présent, cette photographie prise en 2012 voit l'avenir. Et malheureusement, bien loin est le palais de l’Élysée derrière François Hollande, comme bien loin nous semble aujourd'hui, à la veille d'un remaniement quasi-certain, la stabilité du gouvernement.

 

Photographe: Raymond Depardon

François Hollande

 

par Manon Griboux

le 21 février 2014

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