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L'envers du décor

Le "mythe" Fémis: comment forme t-on les réalisateurs de demain?

Enquête

 

François Ozon, Céline Sciamma, Arnaud des Pallières, Noémie Lvovsky : autant de réalisateurs contemporains français dont le succès fait rêver. Leur point commun ? Avoir réussi à percer dans le monde du cinéma, mais pas seulement. Tous sont d'anciens élèves de la Fémis, institution prestigieuse qui a révélé de nombreux talents du septième art. Les épreuves écrites du concours d'entrée 2014 commencent ce vendredi, et tous les candidats affûtent leur scénario. Enquête sur la formation des futurs réalisateurs qui, bientôt, crèveront les écrans.

 

1115 candidats sont inscrits au concours cette année. Sur cette pléthore de soupirants, une quarantaine seulement, toutes sections confondues, auront la chance de se voir attribuer une place (soit seulement 3,4% des participants). Un taux de réussite au concours très faible, donc, qui peut en décourager certains. Mais les profils ne sont pas homogènes : recrutés à bac + 2/3, les étudiants proviennent de filières multiples : 44% des étudiants de la Fémis, en moyenne, ont obtenu un baccalauréat littéraire, 46% un bac scientifique, 9% un bac économique et social. Et pas besoin d'atteindre un haut niveau d'études pour s'inscrire : seule compte la culture cinématographique de chacun. Marc Nicolas, le directeur de l'école, précise dans les Cahiers du cinéma : « Il est normal de demander aux élèves qui entrent à la Fémis d’avoir acquis une culture générale et cinématographique. Nous n’avons pas les moyens ni le temps de mettre en place un enseignement académique pour de très jeunes entrants ». Malgré un recrutement assez libre, il faut néanmoins montrer patte blanche pour avoir la chance de rentrer dans l'univers très fermé de l'établissement.

 

Le casting

 

Ceux qui choisissent de tenter l'aventure vont devoir affronter un parcours semé d'embûches pour décrocher une place. Depuis la mi-février, ils connaissent le sujet du dossier d'enquête à remettre pour ce vendredi : Le rite – outil – invisible. Un thème peu évident à traiter, qui suppose un bien lourd investissement personnel, mais également une bonne dose de créativité puisqu'il s'agit de poser son empreinte sur un sujet général. Après le dépôt de leur travail, les étudiants doivent affronter l'épreuve d'analyse filmique. Les résultats de la pré-sélection seront communiqués le 29 avril : un long mois d'attente en perspective pour ces jeunes passionnés. Thibault Lafargue, candidat pour la seconde fois, témoigne : « Ce moment de bascule entre deux épreuves est comme une bulle d’oxygène pour les participants du concours, mais d'ici là, j'ai largement le temps de me ronger les ongles ! » Pour ceux qui ont la chance d'être retenus au second tour, l'examen est spécifique selon le département choisi : dans la section scénario, par exemple, les élèves retenus ont à inventer un synopsis, puis le développer lors d'une soutenance. Une sorte d'épreuve initiatique pour ces jeunes qui n'ont, pour la plupart, jamais travaillé dans le milieu du cinéma. « Les élèves sont considérés d'emblée comme des professionnels », précise Lucie, jeune diplômée de la promotion 2013. « C'est parfois ce qui nous manque, dans les études en général. On est trop maternés. Ici, on nous fait confiance, on peut se lâcher et exprimer notre potentiel créatif. ». Pour finir, l'admission quant à elle est une soutenance orale devant un jury. Chanceux sont ceux qui arrivent à éviter l'écrémage sans encombres.

 

Une sacrée mise en scène

 

L'enseignement à la Fémis est organisé à l'image d'un studio de cinéma, et ses occupants sont d'emblée plongés dans cette atmosphère particulière. Ils sont répartis en sept départements : scénario, réalisation, production, image, son, montage, et décor. Tous les métiers du septième art sont représentés. La première année, les enseignements, très pointus, sont des cours en immersion totale. 3 ateliers sont dédiés à la mise en scène (autoportrait, écriture de scénario, direction d'acteurs) : il s'agit pour les élèves de montrer leur adaptabilité à un milieu exigeant. Thibault, enthousiaste, confie : « J’ai soif d’apprendre la structure d'un scénario, quelles sont les ficelles à tirer, à quels moments, comment bâtir une intrigue codifiée... À mon sens, berner un spectateur est la chose la plus jouissive qui soit. » Les deux années suivantes sont dédiées à la spécialité choisie. À la fin du cursus, les étudiants présentent un film, qui clôture quatre années d'intense travail.

 

Studios & guest stars

 

D'aucuns diront que la Fémis incarne l'élitisme à la française : des moyens pouvant parfois être qualifiés de démesurés sont attribués à l'enseignement. Il faut savoir – bourses sensibles s'abstenir – qu'une journée de cours à la Fémis ne coûte pas moins de 27 874 euros. Répartie sur une surface totale de 9700 mètres carrés, l'école possède 4 plateaux de tournage (anciennement utilisés par les productions Pathé), et trois salles de projection. Mais dans un univers tel que celui-ci, comment ne pas déjà imaginer les flash crépitants et le tapis rouge ? Et ce n'est pas tout : il n'y a pas de professeurs fixes. En revanche, environ 300 professionnels interviennent chaque année, et pas n'importe lesquels... Les nommés de la catégorie enseignement sont, entre autres : Cédric Klapisch, Jean-Jacques Annaud, Christophe Honoré, Danielle Thomson. L'école accueille aussi des cinéastes étrangers, et les élèves ont donc dernièrement eu le privilège d'approcher David Cronenberg, ou Woody Allen. C'est donc un vrai rêve d'enfant qui devient réalité pour ces futurs professionnels. Et cela porte ses fruits : ces dernières années, de nombreux anciens de la Fémis ont été primés. En 2007, La naissance des pieuvres de Céline Sciamma reçoit le prix Louis-Delluc du premier long-métrage, et en 2013, Grand central de Rebecca Zlotowski est nommé en sélection officielle au Festival de Cannes. Des films avec une Â« patte Â» Fémis, contemplatifs selon certains, mais qui restent une belle promesse de réussite pour tous les candidats qui intègreront cette fabrique à succès. Rendez-vous le 25 avril pour les résultats.

En attendant... Coupé, c'est dans la boîte !

 

Par Manon Griboux

le 17 mars 2014

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