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Une histoire de reflex

Interview

 

L’objectif vise le reflet du premier ministre de Belgique Yves Leterme derrière les lunettes de vue du journaliste. L’oeil à l’affût, l’index frémit et enferme pour toujours les souvenirs d’un mariage. Rencontre avec Sébastien Pirlet, journaliste/photographe qui inscrit la vie sur des images figées.

 

Comment vous définiriez vous en tant que photographe ?

 

J'ai plutôt une approche documentaire. Ma démarche, c'est à peu près toujours de raconter l'histoire en quelque sorte. Retranscrire les choses telles qu'elles sont, ou en tout cas telles que je crois les voir. J'ai une formation de journaliste plus que de photographe. Dans le cas d'un mariage, par exemple, je raconte le film de la journée au travers de mes images.

 

D'où vient votre inspiration pour une photographie ? Êtes-vous plutôt dans le moment présent ou réfléchissez-vous à la mise en scène, au moment que vous voulez capturer avant d'arriver sur place ?

 

Un peu des deux. Disons que j'ai une liste de choses à ne pas rater. Et puis je brode autour. D'abord assurer l'essentiel avant de prendre des risques sur des images. C'est de nouveau une démarche journalistique. Je suis d'abord là pour témoigner de ce qui se passe devant moi. Et cela implique un peu d'anticipation, de préparation, pour être sûr d'être prêt au bon moment. Après, une fois qu'on a assuré l'essentiel, alors on peut rechercher un angle différent.

 

Votre état d'esprit est-il différent lorsque vous devez prendre des photos d’une rencontre entre François Hollande et Angela Merkel ou lors d’un mariage ? Comment adaptez-vous votre approche de photographe ?

 

Sur le fond, les deux se rapprochent fortement. L'idée est de ne pas rater quelque chose d'important. Quand le Président du Parlement reçoit un invité de marque, ou quand des mariés s'embrassent, on n'a qu'une seconde pour faire la meilleure photo possible. Et pour les deux boulots, j'essaie de me faire le plus discret possible. D'une part pour ne pas déranger, mais aussi parce que les gens sont plus naturels et spontanés quand ils ont oublié la présence du photographe.

 

En parlant d’oublier la présence du photographe, est ce que la photographie est autant présente dans votre vie personnelle que dans votre vie professionnelle ? Avez-vous un appareil photo en permanence sur vous, « au cas où » ?

 

Oui, j'ai presque toujours un appareil photo avec moi mais je m'en sers assez peu en dehors du boulot. Bizarrement, même si je continue d'adorer la photo, elle est pour moi synonyme de travail. Le plaisir n'est donc plus tout à fait le même quand je suis en congés et que je sors mon appareil. Par ailleurs, en voyant le monde à travers l'objectif la communication est biaisée. Je préfère regarder le spectacle d'école de mes enfants en vrai plutôt que de prendre plein de photos souvenirs qui finiront perdues au fond d'un disque dur. Mais je fais des photos aussi pour partager ces moments avec d'autres qui ne sont pas là.

 

Vous êtes photographe free-lance. Parvenez-vous à vivre de votre passion ?

 

Oui. On peut en vivre mais il faut de la chance. Le talent ne suffit malheureusement pas toujours. Il faut de plus accepter des commandes qui ne sont pas passionnantes mais qui permettent de garder un équilibre financier.

 

Avez-vous un domaine de prédilection, une préférence pour les photos en noir et blanc par exemple ou des effets particuliers ?

 

Je n'ai pas de préférence particulière. Et surtout, je n'aime pas trop ces effets spéciaux. Je n'effectue quasi pas plus de modifications sur mes photos que celles qui se faisaient en chambre noire à l'époque du négatif (affiner le cadrage, corriger une balance de blancs, éclaircir ou foncer une zone). Les réelles modifications sont d'ailleurs interdites dans la photo de presse (hors presse people ou tabloids, évidemment).

 

Qu'est ce que le plus dur dans le métier de photographe selon vous ?

 

Garder sa motivation, et donc sa créativité, intacte. Dans le cas de la presse, les horaires sont très contraignants et difficiles à concilier avec une vie de famille.

 

Que diriez-vous à une jeune personne qui veut devenir photographe professionnel?

 

Que ce sera long. Long pour se faire connaître, long pour apprendre et pour que tout devienne automatique. Ce sont les automatismes qui font que l'on est de plus en plus à l'aise. Quand on ne doit plus penser à la technique au moment de la prise de vue, c’est à ce moment là qu’on libère sa créativité. Et plus on a de l'expérience, plus on se libère du stress de la technique à maîtriser. Et ne pas oublier qu’il faut apprendre sans arrêt. J'ai vu des photographes qui se sont retrouvés sans boulot parce qu'ils n'ont pas su s'adapter aux changements technologiques; Ils ont été dépassés. Mais il faut s’efforcer de progresser en même temps que le reste, ne pas être en retard.

 

 

par Clémence Germain

le 16 avril 2014

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